Prof non-binaire, ça bouge au collège!
Publié : 16 sept. 2021 19:38
Je prends un petit temps pour décrire ce qui bouge dans mon collège. Je précise que je suis pas un hérox, j'ai un passif d'homme cis, blanc, qui a un toit, du temps pour réfléchir et un salaire plus que correct (bref, j'étais le roi de la Matrice). Mes privilèges et me rendre compte de mes privilège, ça m'a permis de m'outer bien plus sereinement que d'autres, sans crainte de représailles verbales et/ou physiques.
Depuis la semaine dernière, je fais un travail avec tous·tes les élèves de l'établissement (de la 6è à la 3è) pour leur expliquer pourquoi je compte sur elleux pour ne plus m'appeler "Monsieur" (j'ai introduis ça sous la forme d'un "jeu" pour faciliter l'approche et petit à petit, iels comprennent que c'est pas un jeu du tout mais que c'est super important). C'est passionnant de les voir très intéressé·es par le sujet de la non-binarité, de chercher à comprendre, de poser un milliard de questions et...de faire l'effort surtout de plus dire "Monsieur".
Je leur ai expliqué que j'étais une personne AGENRE (mise à jour de mon post de présentation, je ne suis pas Mavérique) et je leur ai donné deux outils majeurs pour mieux comprendre les identités de genre : l'auto-détermination et l'empathie.
Après une semaine de réflexion menée en partenariat avec les élèves (où iels travaillaient en petits groupes) trois solutions ont émergées pour qu'iels puissent m'interpeller dans le collège :
- simplement me dire "bonjour" ou "au revoir" lorsque l'on se croise, et lorsque nous sommes en cours lever la main sans rien dire
- m'interpeler par mon prénom tout en continuant de me vouvoyer
- m'interpeler en disant "professeurx" (le "x" restant muet à l'oral) ou "prof"
Les élèves ont bien compris qu'il s'agissait d'une démarche personnelle liée à ma non-binarité et en aucun cas une tentative de "copinage", le respect mutuel que nous nous portons devant rester intact.
Ensuite, et seulement ensuite (ce mardi 14 septembre) je suis allé voir ma principale pour lui annoncer que j'avais amorcé ce travail en partant des élèves et qu'en quelques sorte...les adultes allaient devoir se mettre au pas. Elle a donc pris note de ma demande et tentera (car il lui faudra un temps que je lui accorde bien volontiers) pour dire "Zeo M********" et non plus "Monsieur M********". J'ai envoyé un mail le même jour à tous·tes les adultes de l'établissement pour les prévenir. Des discussions passionnantes s'ouvrent avec certain·es collègues. Je sais que ça en embête d'autres (on ne fait jamais l'unanimité).
C'est passionnant parce que j'apprends en même temps que les élèves à maîtriser le neutre grammatical de la langue française qui en est à ses balbutiements (ou à sa renaissance?). On le fait exister ensemble, on le rend visible...mon pronom c'est pas "iel", c'est "ix". Alors on fait des petits exercices (pour s'amuser, sans pression) de traduction de certaines phrases : "Monsieur M******** est mon professeur de musique. Il est au collège depuis un an." ==> "Zeo M******** est man professeurx de musique. Ix est au collège depuis un an."
À l'heure ou Blanquer fait interdire l'écriture inclusive au collège, je veux juste semer des graines dans les esprits des élèves pour leur dire que le langage a une réelle importance, qu'il est amovible, qu'il peut être déformé, créé, qu'il peut se métamorphoser...
Paul Beatriz Preciado dans "Un appartement sur Uranus"* dit qu'à l'école "la seule langue qui se parle est celle de la violence secrète et sourde de la norme." Il a raison. Et j'ai envie de parler une autre langue.
Que la force soit avec vous, que vous puissiez trouver des allié·es qui vous épaulent dans vos transitions, lignes de forces et désir de dire.
Zeo
*je vous recommande cette lecture
Depuis la semaine dernière, je fais un travail avec tous·tes les élèves de l'établissement (de la 6è à la 3è) pour leur expliquer pourquoi je compte sur elleux pour ne plus m'appeler "Monsieur" (j'ai introduis ça sous la forme d'un "jeu" pour faciliter l'approche et petit à petit, iels comprennent que c'est pas un jeu du tout mais que c'est super important). C'est passionnant de les voir très intéressé·es par le sujet de la non-binarité, de chercher à comprendre, de poser un milliard de questions et...de faire l'effort surtout de plus dire "Monsieur".
Je leur ai expliqué que j'étais une personne AGENRE (mise à jour de mon post de présentation, je ne suis pas Mavérique) et je leur ai donné deux outils majeurs pour mieux comprendre les identités de genre : l'auto-détermination et l'empathie.
Après une semaine de réflexion menée en partenariat avec les élèves (où iels travaillaient en petits groupes) trois solutions ont émergées pour qu'iels puissent m'interpeller dans le collège :
- simplement me dire "bonjour" ou "au revoir" lorsque l'on se croise, et lorsque nous sommes en cours lever la main sans rien dire
- m'interpeler par mon prénom tout en continuant de me vouvoyer
- m'interpeler en disant "professeurx" (le "x" restant muet à l'oral) ou "prof"
Les élèves ont bien compris qu'il s'agissait d'une démarche personnelle liée à ma non-binarité et en aucun cas une tentative de "copinage", le respect mutuel que nous nous portons devant rester intact.
Ensuite, et seulement ensuite (ce mardi 14 septembre) je suis allé voir ma principale pour lui annoncer que j'avais amorcé ce travail en partant des élèves et qu'en quelques sorte...les adultes allaient devoir se mettre au pas. Elle a donc pris note de ma demande et tentera (car il lui faudra un temps que je lui accorde bien volontiers) pour dire "Zeo M********" et non plus "Monsieur M********". J'ai envoyé un mail le même jour à tous·tes les adultes de l'établissement pour les prévenir. Des discussions passionnantes s'ouvrent avec certain·es collègues. Je sais que ça en embête d'autres (on ne fait jamais l'unanimité).
C'est passionnant parce que j'apprends en même temps que les élèves à maîtriser le neutre grammatical de la langue française qui en est à ses balbutiements (ou à sa renaissance?). On le fait exister ensemble, on le rend visible...mon pronom c'est pas "iel", c'est "ix". Alors on fait des petits exercices (pour s'amuser, sans pression) de traduction de certaines phrases : "Monsieur M******** est mon professeur de musique. Il est au collège depuis un an." ==> "Zeo M******** est man professeurx de musique. Ix est au collège depuis un an."
À l'heure ou Blanquer fait interdire l'écriture inclusive au collège, je veux juste semer des graines dans les esprits des élèves pour leur dire que le langage a une réelle importance, qu'il est amovible, qu'il peut être déformé, créé, qu'il peut se métamorphoser...
Paul Beatriz Preciado dans "Un appartement sur Uranus"* dit qu'à l'école "la seule langue qui se parle est celle de la violence secrète et sourde de la norme." Il a raison. Et j'ai envie de parler une autre langue.
Que la force soit avec vous, que vous puissiez trouver des allié·es qui vous épaulent dans vos transitions, lignes de forces et désir de dire.
Zeo
*je vous recommande cette lecture