Tanganika, 39 ans, mère de deux garçons de 9 ans, séparée de mon ancien compagnon depuis 4 ans et en couple avec ma compagne depuis 3 ans. Je viens de me présenter dans la partie "présentation" du forum
Voici donc mon témoignage :
Mon coming out auprès de mes amis et de mes enfants s'est très bien passé. Je mène avec ma compagne une vie de famille tranquille et ouverte dans notre petite ville rurale, et quand je croise ma vieille voisine elle me dit "et votre dame, comment va-t-elle ?".
Mes relations ont été plus difficiles avec mes parents. Mon père, qui a un caractère entier, a commencé par me rejeter par le biais d'une lettre très brutale. Puis, les mois et les années aidant, il est à présent ouvert et sincèrement heureux, je pense, de mon bonheur. Il a souhaité rencontrer ma compagne et a une relation tout à fait amicale et affectueuse avec elle.
Ma mère a été totalement déboussolée ; je crois que pour elle, l'homosexualité était quelque chose de très abstrait, qu'elle ne voit pas autour d'elle et pourtant, il y a des homos dans son entourage. Elle m'a dit "mais je ne comprends pas, tu es si féminine !" ; puis "es-tu sûre ? l'homosexualité est à la mode en ce moment, c'est peut-être pour ça ?". Finalement elle aussi a avancé petit à petit, aidant au rétablissement du lien avec mon père, et acceptant finalement de rencontrer ma compagne et de l'accueillir.
Bref, tout pourrait sembler idyllique ; les réunions de famille se passent bien, mes parents assument et ont fait leur propre coming out auprès de leurs propres amis et famille.
Mais si je me suis inscrite aujourd'hui, c'est que je me suis rendu compte récemment que ma mère était en réalité encore remplie d'une peur énorme de l'inconnu que représente pour elle l'homosexualité. Elle n'arrive pas à prononcer ce mot, elle se tend dès que j'évoque des amis gays et l'autre jour elle a eu cette réaction très révélatrice : alors que nous parlions du programme des vacances d'hiver, j'ai dit très naturellement que mes enfants allaient passer 3 jours chez des amis (gay). Elle m'a dit : "Tous seuls ?" et j'ai senti le choc et la peur de la pédophilie. Cela m'a fait l'effet d'un coup de poing dans le ventre ; je me suis sentie brutalement rejetée à ma "condition" et j'en ai été profondément triste pendant toute la semaine qui a suivi. Le jour même, je lui ai envoyé le mot suivant, pour ne pas laisser la grosse chappe de plomb du non-dit retomber :
"Maman, n'aie crainte pour tes petits-fils, les homosexuels sont des adultes qui aiment des adultes.
D'ailleurs personnellement, je n'aime pas spécialement les petites filles... et (ma compagne) non plus.
Et (X) et (Y), nos amis qui s'aiment depuis 20 ans, n'aiment pas non plus les petits garçons.
Par contre ils ont beaucoup d'affection pour (mes enfants), et c'est réciproque."
Voici sa réponse :
"merci.je pense que j ai ete surprise par ce qui me semblait totalement inattendu.et puis par ta question.tu es choquee?oui,bien sur,je suis choquee parce que je ne connais rien de rien a tout cela. (...) Ton point de vue est clairement explique,et ne m apprend rien.mais,il y a matiere a reflexion."
Quelques jours plus tard, je lui ai envoyé le lien vers un film américain très bien fait, "Lead with Love" destiné aux parents qui ont du mal avec l'homosexualité de leur enfant. Le film est en anglais non sous-titré mais ma mère comprend l'anglais. J'ai dit que cela me ferait vraiment plaisir qu'elle le regarde. Et voici sa réponse :
"quant au petit film,je m en fiche de le regarder ou pas. Pour moi,tu es ma fille depuis toujours,je n ai vu aucun changement,et j ai toujours ete indifferente aux categories et etiquettes en tous genres. Je t ai mise au monde,comme on dit.je t ai regarde grandir,et je t aime."
Bref, derrière ces mots d'amour, je vois de la peur, du déni et le rejet de toute approche pour en parler. C'est subtil mais c'est bien là. Je voudrais l'aider à apprivoiser cette peur et à découvrir que les homosexuels sont des gens comme tout le monde - notamment les hommes. Mais je ne sais pas comment faire. Elle me demande de respecter son opinion et ses sentiments, et je ne veux rien brusquer. Il y a dans sa famille une tendance à ne rien dire sur ce qui est tabou (alcoolisme et homosexualité, notamment). Mais je me sens mal à l'aise avec elle et alors que j'étais fière de m'accepter, elle me fait douter et presque ressentir de la honte d'être moi-même
Alors j'ai envie de prendre le taureau par les cornes et mettre de force le sujet sur le tapis.Des avis, des conseils ? L'avis de parents d'enfants homosexuels m'aiderait beaucoup. D'avance merci.
