Plaidoyer pour Tata Philippe, grande folle du Marais

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Piou34000
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Plaidoyer pour Tata Philippe, grande folle du Marais

Message par Piou34000 »

Bonsoir,
Je suis la maman de 2 jeunes homos, un garçon, une fille de respectivement 19 et 17 ans, qui ont récemment fait leur coming out (voir mon témoignage pour ceux qui le souhaiteraient sous l’intitulé : « Maman de 2 enfants homos, je le vis moyen bien »). Si ma fille assume plutôt très bien sa « différence sexuelle », ce n’est pas vraiment le cas de mon fils qui se montre un peu hargneux et tient des propos plus que limite… des propos homophobes pour être précise. Je pensais avoir décroché le pompon en détenant un modèle unique, le parfait monstre quoi, et renseignements pris, stupeur et tremblements, il semblerait que mon fils ne soit pas le seul « homo homophobe » de la planète. Si j’ai bien compris, nombre de jeunes gay rejettent en masse « tata Philippe », la grande folle du Marais (ou d’ailleurs) à laquelle ils redoutent d’être assimilés. Ce que je peux comprendre, à leur place, je n’aimerais pas non plus.
Je vais tout de même tenter de me faire l’avocate du diable (ne me balancez pas de cailloux, hein !) et jouer, pour ce faire, les vétérantes… Après tout, à 46 ans, j’estime pouvoir me le permettre !
J’ai simplement envie de rappeler aux jeunes homos, qu’au démarrage tata Philippe -que certains ont tant de mal à accepter- a fait un peu comme elle a pu, avec ce qu’on lui offrait à l’époque : pas d’internet pour échanger et réaliser qu’il/elle était loin d’être seule face à sa problématique identitaire ; pas de série TV mettant en scène des homos (je ne parle pas forcément de « The L World », que ma fille m’a fait découvrir récemment -au passage, très drôle), mais plutôt de la série grand public comme : Les « Desperate Housewifes » ; « Uggly Betty », etc, etc… qui montrent des gay lambda dans leur quotidien, sans trop forcer le trait.
Quand tata Philippe avait 15 ans (je vous parle d’un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître…), les mecs étaient fringués en mecs, les filles en filles. Point barre.
Les dress codes ont bien changé ! Aujourd’hui, dans une cour de lycée, vêtements moulants, slips débordant du jean, piercing, coupe de cheveux un peu rallongées et drôlement travaillées sont la « norme » chez les garçons. Je ne sais pas s’ils se féminisent, toujours est-il qu’ils semblent n’avoir plus grand chose à prouver en termes de « virilité pure »…
A l’heure actuelle, tous les jeunes connaissent des homos ; beaucoup sont « bi » assumés (je n’y vois pas un phénomène de mode, mais plutôt une acceptation de la réalité sexuelle : à l’adolescence, on se cherche… le miroir n’est jamais très loin… et puisque désormais la bisexualité ne semble plus si tabou, s’ils en ont envie, ils auraient tort de s’en priver !). Bref, je vais enfoncer une porte ouverte : autre temps, autre mœurs, les codes vestimentaires, tout comme la (je devrais dire « les ») sexualité(s) ont bien changé, et c’est tant mieux !
Vous est-il arrivé de songer qu’à l’époque des 15/20 ans de tata Philippe, pour se reconnaître entre eux, les gays étaient peut être obligés de forcer un peu (ou beaucoup) le trait ?
Pouvez-vous concevoir que si elle en a fait des tonnes –au risque de renvoyer une image drôlement voyante, voire vaguement ridicule- la folle d’alors a dû trouver dans cette attitude outrancière un formidable exutoire, et une bonne façon de dire un immense merde à cette société qui lui refusait toute existence ?
Accepterez-vous de reconnaître qu’en s’affichant et en s’exposant (bref en prenant courageusement pas mal de risques), c’est peut être aussi un peu Tata Philippe qui a fait évoluer les mentalités en disant haut et fort : cessez de fermer les yeux, nous, homos, NOUS EXISTONS aussi !!!!
Là je voudrais faire un parallèle avec le féminisme.
Pour faire entendre leurs messages, les premières féministes pures et dures ont, elles aussi, été contraintes de forcer un tantinet le trait (beaucoup de harpies au discours très légèrement castrateur, quoi…). Aujourd’hui, si je visionnais un film sur leur combat (manifs, actions, tout ça) sans les replacer dans le contexte de l’époque, force m’est de reconnaitre que je les trouverais parfaitement ridicules. Et pourtant… merci Mesdames, vous avez ouvert la voie : droit de vote, pilule, avortement, société plus égalitaire, parité, et j’en passe (je veux dire dans les sociétés occidentales bien entendu, hélas, pas encore partout…). Aujourd’hui, même s’il y a encore un peu de boulot, GRACE A ELLES TOUTES je peux me payer le luxe d’être ce que je suis : une femme libre.
Donc ?... Dans le même ordre d’idée, un peu merci tata Philippe, qui a ouvert un chemin, non ?...
Bon maintenant, vous allez me dire : « et les folles d’aujourd’hui » ?... Ben, même état d’esprit que celles de l’époque peut être ?... à savoir, une vieille envie de se lâcher sauvage après des années à fermer leurs gueules, bref à taire –et à SE taire aussi parfois- leur propre réalité sexuelle, le bouchon explose et ça déborde un peu. Si ça leur fait du bien de s’amuser, après tout…
Ce long message, non pas pour jouer les donneuses de leçon et conclure sur un grand : « Ce n’est pas pour rien que le drapeau Gay est multicolore, toutes les gammes de couleurs devraient avoir le droit de s’exprimer… Roulez-vous des pelles les gars ! Aimez-vous les uns les autres ! »
Mais plutôt pour dire : des rejets de telle ou telle caste –ou forme d’identité-, dans la communauté homosexuelle aussi ? … C’est plutôt bon signe, non ?... en tout cas, c’est le parfait reflet de la société.
Pour vivre heureux, les jeunes Gay d’aujourd’hui ne souhaitent pas forcément vivre cachés, mais revendiquent tout simplement le droit à une certaine forme de « normalité ». Quoi de plus légitime ? Maintenant, je ne suis pas sûre que Tata Philippe et ses excentricités les empêchent d’y parvenir. Je veux dire par là que les hétéros n’ont pas forcément le cerveau dans le plâtre : eux aussi ont évolué, en même temps que leur regard sur l’homosexualité. Bref, nous hétéros, sommes majoritairement capables (du moins je me plais à le croire) de constater qu’il y a autant d’homos que de forme d’homosexualité. Autrement dit ? … Pour la majorité des hétéros, « Gay » n’est plus du tout synonyme de grande folle évaporée, mais plutôt d’un mec qui en aime un autre. Point barre. Aussi, détendez-vous les garçons !
Je sais, facile à dire : à une époque pour rien au monde je n’aurais voulu être cataloguée féministe de peur d’être associée à un grand dragon munie d’une paire de ciseaux pour couper les bonbons du sexe opposé… Aujourd’hui, le féminisme renvoie une image plus soft et plus sage. Il me semble qu’il en va de même pour l’homosexualité. Tout évolue dans le bon sens. Très bientôt, tous ces débats seront totalement dépassés. Et c’est tant mieux !
Pour conclure, vous vous en doutez peut être, je connais une vieille tata Philippe de 15 ans mon aînée. Elle est à la fois excentrique, délicieuse et souvent triste... car souvent rejetée. Pour rien au monde je ne voudrais lui ressembler, mais je tiens à lui renouveler ici (où je sais qu’elle ne viendra jamais) toute ma tendresse et toute mon amitié.
Non ! Ne me jetez pas de cailloux !!!

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