Déportation homosexuelle :
UNE RUE PIERRE SEEL A TOULOUSE EN 2008 ? Un événement sans précédent.
Un seul déporté pour homosexualité dans un camp de concentration nazi a revendiqué publiquement la vraie raison de sa déportation. Né à Haguenau dans le Bas- Rhin, arrêté par la Gestapo à Mulhouse, il a choisi Toulouse comme ville dadoption et y est mort. Pierre Seel est enterré à Bram (Aude). Tout laisse à penser quil y aura une rue à sa mémoire à Toulouse. Ce serait une grande première. Soutenue par « lAssociation des Oubliés-es de la mémoire », lidée dune rue a fait son chemin. Le maire de Toulouse a souhaité, dans une lettre adressée à l'association "... qu'un hommage" soit rendu à Pierre Seel, une rue aurait déjà été proposée. Nous publions ici une déclaration de Gérard Naon, conseiller municipal délégué de la Ville Rose et d' Arié Bensemhoun, président du Consistoire Israélite de Toulouse et de la région Midi Pyrénées. Le dernier mot reviendra au Conseil Municipal de Toulouse, le 21 décembre.
Lancien déporté pour homosexualité est mort en 2005
Gérard NAON, conseiller municipal délégué de Toulouse : « Je confirme ma position, je suis pour une rue Pierre Seel à Toulouse »
Il sappelait Pierre Seel. Né à Haguenau (Bas-Rhin) le 16 Août 1923, il était homosexuel. 1939. Il a 17 ans, sa montre lui est volée dans un square de Mulhouse. Il porte plainte. Ce geste se retournera contre lui. Il était fiché au commissariat pour homosexualité. Quelques mois après linvasion allemande, cest lengrenage. Pierre Seel est arrêté, torturé, violenté. En 1941, il sera interné au camp de concentration de Schirmek et à celui de Natzweiler-Struthof en Alsace. Enrôlé de force dans larmée allemande en qualité dAlsacien, il est envoyé sur le Front Russe. Pierre Seel avait été le premier à affirmer publiquement que son homosexualité avait été la cause de sa déportation. Il sétait tu, comme tant dautres, à la Libération, sétait marié, avait eu trois enfants. Il na parlé quen 1982 puis écrit en 1994 !
Pierre Seel est mort à 82 ans, voici deux ans presque jour pour jour, à Toulouse sa ville dadoption, le 25 novembre 2005. Il a été inhumé à Bram dans lAude.
Depuis plusieurs années, lassociation « les oubliés-es de la Mémoire »
http://www.devoiretmemoire.org souhaite quune rue de Mulhouse et de Toulouse porte son nom, et quune plaque commémorative soit apposée à lex camp du Struthof à la mémoire des déportés homosexuels des camps de Schirmek et du Struthof (Voir le site du camp du Natzweiler- STRUTHOF
http://www.struthof.fr ). Mais à Toulouse, les événements se précipitent. En 2006, une cérémonie avait été organisée au Monument à la gloire des combattants de la Résistance, en lhonneur des déportés-es et internés-es homosexuels-elles. Aux côtés d Hervé Hirigoyen, délégué général de lassociation pour cette région, plusieurs élus, des anciens combattants avec leurs drapeaux. A cette occasion, beaucoup prenaient conscience du sort quavaient subi ces oubliés de la Mémoire. Et le représentant de la mairie de Toulouse, Gérard Naon, conseiller municipal délégué, na pu cacher son émotion. Ses paroles ont pris une résonance particulière dans ce contexte. Il reconnaissait quen tant que Juif, il associait les camps de concentration nazis aux Juifs et à dautres victimes du nazisme, mais quil ne sétait pas penché sur les persécutions quavaient pu subir les homosexuels. Il avait alors affirmé avec force quune ville comme Toulouse, historiquement attachée à la tolérance, se devait davoir une rue au nom de Pierre Seel. Il faut dire que devant une foule où se mêlaient homos et hétéros sur les allées F. Verdier de Toulouse, lheure était à lémotion. Sans doute le moment le plus bouleversant, fut la lecture dun extrait du livre « Moi, Pierre Seel, déporté et homosexuel. (1) » Pierre Seel y raconte comment son ami était mort sous ses yeux dans le camp du Struthof (2). Depuis ce jour, des mois se sont écoulés et lengagement de Gérard Naon a soulevé lespoir chez « Les oubliés de la Mémoire. » Les associations, la presse gay et lesbiennes entre autres, ont repris les paroles de l'élu. L'association "les oubliés de la Mémoire", accompagnée d'un des fils de l'ancien déporté, a été reçue à lhôtel de ville avec une pétition de 946 signatures,dont celles de la femme et des trois enfants de Pierre Seel. Pour sa part, le maire de Toulouse Jean- Luc Moudenc, en réponse à une lettre de lassociation, a indiqué avoir
«... effectivement souhaité quun hommage soit rendu à Pierre Seel, seul déporté en raison de son homosexualité.» Les choses sont donc assez avancées puisque une rue aurait été proposée par la mairie, entre le port Saint Sauveur et la rue Bernard Mulé (en face de la caserne des pompiers), en plein Toulouse. Des élus de diverses sensibilités, comme Yvette Benayoun- Nakache, conseillère municipale et vice présidente PS du Conseil Régional, Pierre Cohen, candidat PS à la mairie de Toulouse, se sont déclarés favorables à « une rue Pierre Seel. »
Nous avons voulu en savoir davantage. Les déclarations de Gérard Naon ont été prononcées dans un moment particulier. Lélu de Toulouse les revendique t-il, plusieurs mois après ?
Gérard Naon, prononceriez-vous à nouveau aujourdhui ces paroles de 2006 ?
G.N. Non seulement je les redirai mot pour mot, mais je précise quaprès la manifestation, javais sensibilisé mon collègue adjoint au maire Jean Diebold, chargé entre autres de ces questions. Malheureusement, Jean Diebold nous a quitté. Je voudrais ajouter que je suis touché par le sort réservé à Pierre Seel. Jai pris et je maintiens une position ferme en faveur dune rue à son nom. Je suis heureux davoir impulsé un mouvement qui a abouti à ces 946 signatures présentées à la mairie.
Pensez- vous que la procédure enclenchée aboutira rapidement ?
G.N. Je suis certain que Pierre Seel aura sa rue en 2008 à Toulouse. Et cest bien la moindre des choses que nous puissions faire pour sa mémoire. Cest épouvantable, ce quà subi cet homme, comme dautres déportés homosexuels. Propos recueillis par Pierre Chouchan