Bonjour Kris,
Je vois votre message un peu tard.
Je vous propose de parler dans la suite de ce message de votre enfant au féminin, ce qui peut vous aider à apprivoiser doucement ces changements de langage
Votre enfant est une fille, et s'entendre dire "il" au quotidien peut être source (ce n'est pas automatique, c'est elle qui vous le dira) d'une grande souffrance. Parce que ça revient à ne pas la considérer dans le genre qui est le sien, et ça peut être vraiment compliqué de se voir nié en tant qu'individu du genre qui est le notre.
Vous dites être prête à l'accepter donc c'est déjà un premier pas important
Le reste viendra progressivement, avec de l'entrainement, une reconfiguration de ce qu'on pense être "immuable", de nos croyances etc
Pour le fait d'être sûre : c'est l'avenir qui vous le dira. Mais je vous invite vraiment à accorder votre confiance à votre fille. On ne dit pas qu'on est trans à la légère. Vu comment on nous portrait dans les médias, la stigmatisation, l'ignorance et les préjugés qu'on entend au quotidien sur les personnes trans, il peut être difficile déjà d'accepter qu'on puisse être trans, alors quand on en parle, bien souvent c'est qu'on a VRAIMENT pris le temps d'y réfléchir (voire on a pu essayer de se convaincre qu'on se trompait, parfois pendant des années, avant de se rendre à l'évidence)...
Et puis même si elle a des doutes, à 14 ans elle ne peut rien faire d'irréversible, donc la laisser explorer et vivre son genre, si c'est ce dont elle a besoin, ne "coûte" rien. Pas besoin, donc, d'être "sûre" pour la soutenir
Par contre j'aimerais rebondir sur ce qu'a dit J-Lyon :
1) Voir un-e psychiatre ou un psychologue n'est PAS une nécessité. Je trouve même ça particulièrement déplacé de suggérer cette idée, alors que le message initial ne laisse à aucun moment penser que la jeune fille dont question a besoin d'un suivi psy, ni d'ailleurs qu'elle vit "de la dysphorie"..... Vous n'iriez pas suggérer d'emblée à un-e parent qui apprend que son enfant est homo que ce dernier (ou cette dernière) "consulte un-e psy".... :/
2) Quand on entend qu'un-e psy est "spécialisé-e", c'est souvent louche.. Les psys spécialisés, ça n'existe pas vraiment. Il y a des psys transfriendly (= pas transphobes. Et la plupart sont ignorant-e-s), des psys transphobes (dont certains sans malveillance, d'autres par conviction /idéologie clairement transphobe).
Après, si VOUS, vous avez besoin de pouvoir parler (ça peut être à un psy, honnêtement je ne le conseillerais pas, pour la même raison que ci-avant, mais ça peut également être des associations trans, d'autres parents (via notamment les groupes de parole de Contact) etc), n'hésitez pas. la plupart des assos trans proposent des rendez-vous individuels ouverts à l'entourage, où vous pourrez recevoir une écoute mais également être rassurée sur les craintes que vous pouvez avoir par exemple
3) Il n'y a absolument AUCUNE obligation à consulter un psychiatre pour obtenir un changement "légal" de la mention de son genre à l'état civil.
Je vous invite à vous rapprocher des associations trans de votre région si vous souhaitez avoir des infos, brochures etc
Pour son père, je ne sais pas exactement de quel pays vous parlez, mais effectivement si vous pensez qu'elle n'est pas en sécurité là-bas, il est sans doute préférable qu'elle ne fasse pas de coming-out auprès de lui et peut-être que vous pouvez justement parler de cela avec elle, afin de voir ce qui est possible pour qu'elle soit en sécurité et puisse vivre son genre sans risque de subir des violences :/
Comment en parler avec votre fille et comment lui poser les bonnes questions ? Il n'y a pas de réponse toute faite à cette question car vous ferez toutes les deux du mieux possible et il y aura forcément des hauts et des bas, des maladresses et des incompréhensions mais bon.
Dans les grandes lignes je dirais (ce ne sont que des suggestions, aucunement des injonctions) :
- En lui faisant confiance, en l'écoutant et la prenant au sérieux
- Ne pas chercher à tout comprendre ou tout savoir dans les moindres détails (on peut soutenir et faire confiance sans tout comprendre^^)
- Garder en tête que chaque parcours est unique : ne présumez pas de ce qu'elle ressent, de ce à quoi ressemblera son parcours, etc
- La rassurer sur votre amour pour elle, sur votre volonté de la soutenir et de l'accompagner, sur les efforts que vous vous engagez à fournir (car oui ça va vous demander des efforts de bien la genrer, de ne pas l'outer sans son accord, d'utiliser le prénom qu'elle vous demandera d'utiliser si elle souhaite en changer, etc). ça vous demandera de modifier vos automatismes et habitudes, mais c'est essentiel. Vous pouvez vous entraîner par écrit (plus facile de se corriger)
- Garder en tête que ce n'est ni un choix, ni une maladie ou quoi que ce soit de dramatique, que vous n'y êtes pour rien, que ce n'est pas un problème ni une tare, que c'est une richesse (même si vous ne le percevez peut-être pas encore comme ça aujourd'hui, chaque chose en son temps^^), que vous y arriverez, qu'elle y arrivera, que c'est une bonne nouvelle pour elle car elle a, jeune, des clefs importantes pour son épanouissement, qu'être trans n'empêche pas d'avoir un taff, un-e conjoint-e, des enfants, des ami-e-s, bref à partir du moment où on évolue dans un milieu favorable, comme tout le monde, on peut avoir une vie tout à fait chouette et épanouissante)
- Garder en tête que même si c'est difficile pour vous au début de bien la genrer etc, c'est bien plus difficile pour la personne concernée de vivre le mégenrage and co.
- Enfin : votre fille ne change pas. Pas plus que n'importe quel-le autre ado en tout cas : elle est la même personne. Avec les mêmes défauts, les mêmes qualités, les mêmes goûts... Seulement elle n'a probablement pas pu se sentir assez libre d'explorer certaines de ses passions ou traits de caractère du fait de la pression sociale (et des stéréotypes de genre).
Je pense que les "meilleures" questions à lui poser c'est :
- Qu'est-ce que je peux faire pour toi, pour t'accompagner ? / De quoi tu as besoin ?
- Comment tu veux que je m'adresse à toi (vous savez déjà que c'est "elle", c'est déjà un début)
Si vous avez certaines questions techniques, il est préférable de vous informer par vous-même (je peux vous faire suivre des liens si besoin) ou de lui demander si elle est d'accord d'en parler avec vous, mais il faut avoir en tête que ça peut représenter un poids pour elle, de faire de l'éducation, donc c'est important de respecter si elle ne souhaite pas en parler plus que ça. Surtout qu'étant ado ça peut être compliqué de parler de trucs assez intimes avec ses parents^^
Je peux aussi vous passer des liens pr elle si elle est isolée avec ça et souhaite échanger avec d'autres personnes trans